C'est
vrai que la fabrication de cette page traînait… et que nous
ne savons pas trop comment nous excuser auprès de Rolland, pour
un tel retard… parfaitement injustifié !
Enfin la voilà, et nous en sommes heureux...
Pour cette publication, nous avons juste gommé un nom… celui d'un
abbé...
Il faut dire qu'en ce qui le concerne, nos amis du Provisoire avaient fait
assez fort, mais bon, l'appeler l'abbé D., au moment où se déroule
(octobre 2003) le Bulles-Berry de Bourges, c'est presque un clin
d'œil...
Encore merci à Rolland pour ce texte...
Le
Provisoire... et la presse... |
![]() |
de
la NR : “ Le Provisoire ” en conférence le 19 novembre Rolland Henault, donnera mardi 19 novembre à 20 h 30, une conférence publique et gratuite à l'initiative de l'Académie du Centre sur le thème « le Provisoire, c'est toute une histoire ». Cette conférence se tiendra dans les locaux de la chambre de commerce et d'industrie, place Gambetta à Châteauroux. Sont cordialement invités outre les multiples rédacteurs de feu le journal satirique, les diverses têtes de Turcs qui furent la cible constante et caustique dudit organe. |
"LE
PROVISOIRE",
Par Rolland Hénault |
![]() |
Cette conférence fut prononcée à Chateauroux, dans la salle de réunion de la CCI de l'Indre, le mardi 19 novembre 2002, à l'initiative de l'Academie du Centre. Ici, M. le président (je crois) de l'Academie, présente les mésaventures de Rolland comme celle du Provisoire, avec un humour qui réjouit le conférencier... |
Les années 70 et l'information Une
volonté générale parmi les étudiants,
les associations, ceux qui ont " fait 68 " de
prendre la parole. |
![]() |
On y trouve en vrac des citations de Marx, de Marcuse, de Mao Tsé Toung, (les trois " M "), mais aussi d'auteurs français, Léo Ferré, en particulier, dont la popularité revient soudainement parce qu'il représente une chanson de protestation : Au
pays de Descartes |
Tout
cela peut faire sourire aujourd'hui, sauf qu'il existe un mouvement
culturel anti-mondialiste,
un José Bové par exemple, qui inquiète les tenants d'un
monde sans frontières, celui de ces étranges nouveaux citoyens
du monde, pour qui, seul, l'argent n'a pas de frontières. Et il me semble que nous étions de cette famille, avec les moyens de l'époque. Les descendants un peu naïfs des situationnistes, (on disait les " situs ") Guy Debord en particulier, même si nous ne le savions pas. C'est ce qui nous permet de ne pas être tristes, car une civilisation qui nie les valeurs humanistes élaborées en quatre siècles, pourquoi la regretterions-nous ? Et pourquoi souhaiterions-nous battre des records d'espérance de survie médicalisée en maison de retraite climatisée, épaves et légumes juteux d'une société qui vous presse jusqu'au trognon ? Mais je ne veux pas vous décourager. |
![]() |
![]() |
Les Fondateurs du Provisoire J'arrête
ici sur ce thème car je suppose que c'est le provisoire
qui vous intéresse d'abord, mais il se situe dans cette
mouvance, du moins en ce qui concerne certains de ses fondateurs,
qui sont au nombre de quatre: |
Ces
participants viennent de tous les milieux, agriculteurs, ouvriers,
employés, enseignants, médecins, avocats, professions
libérales, chômeurs, lycéens, hommes, femmes,
et la plupart ne sont pas des militants au sens traditionnel du mot... Ces fondateurs ont en commun l'idée de libre-expression, notion un peu vague, pas forcément chargée d'un sens politique, mais liée au phénomène alors très fort des Maisons des Jeunes et de la Culture. Après 68, l'idée que l'on se fait de la Culture au sens où Malraux l'entendait : mettre les grandes œuvres à la portée du peuple, cette idée cède la place à une sorte d'utopie : la Culture peut-être le fait de chaque citoyen. En résumé, chaque homme est un artiste en puissance et a droit à l'expression. Chaque citoyen se transforme par la culture, il se cultive. Dans le Provisoire, chaque lecteur est en même temps rédacteur s'il le souhaite, son anonymat sera préservé, il pourra dire ce qu'il a sur le cœur, librement. Quels que soient son âge, sa position sociale, ses idées politiques ou religieuses, sauf s'il appartient, de près ou de loin à un mouvement fasciste ou raciste. Il y a cependant très vite deux personnages tabous au Provisoire : Marcel Lemoine, et, dans une moindre mesure Max Ploquin. Ils sont des intouchables, et je prends la responsabilité de ces choix. Ce sont les seuls cas de censure, avec les histoires de cocus, même s'il y a eu quelques bavures, très peu nombreuses à ce sujet. Dans notre esprit, la diffamation n'existe pas parce que la vérité est souvent diffamatoire. Tous les petits journaux de cette mouvance sont d'accord sur ce point. |
![]() |
![]() |
La recherche de l'imprimeur On
mesure mal aujourd'hui ce qui pouvait faire problème dans
l'impression d'un petit journal provocateur, certes, mais au début,
relativement gentillet. |
J'allai
chercher le premier Provisoire aux presses de la Bûcherie,
je le rapportai dans une valise et je me souviens que c'était
lourd. Ca allait devenir par la suite encore beaucoup plus lourd de conséquences.. A partir du numéro trois ou quatre Peyramaure m'expliqua la technique de la mise en page. La formation fut rapide : -Il te faut une planche à dessin, une règle et puis des ciseaux, tu colles les articles dessus. T'essayes d'avoir les mains propres, sinon, ça se voit après. On avait décidé d'être mensuels mais nous n'avons pu dépasser les 9 numéros annuels. Ensuite, nous fûmes le seul mensuel au monde à paraître 5 fois par an ! Il fallait être mensuel pour bénéficier du routage 206, alors on mettait mensuel sur la page 1 et on bénéficiait du tarif réduit. C'est Peyramaure qui a trouvé le titre. Comme on réfléchissait là-dessus depuis deux heures, Peyramaure a eu une idée, un soir : -Ecoutez, les gars, on se fait chier pour rien, on va d'abord mettre un titre Provisoire... -Oui, mais c'est aussi difficile de trouver un titre provisoire qu'un titre définitif. -Alors les gars, c'est simple, on va l'appeler le Provisoire. C'était plein de ce bon sens qui manque si souvent aux gens qui ont fait des études... Quelques temps plus tard, c'est encore Peyramaure qui trouva la formule " Mensuel du Berrichon Evolué " ! Peyramaure laissa le Provisoire à la suite du premier procès, avec l'armée. Il fait quand même partie des 4 personnes qui ont donné 9 fois 400 F pour payer chacun des premiers numéros ! En 1975, c'est un acte civique. Ca fait un peu plus de 3500F ! qu'on ne s'est évidemment jamais remboursés... Ce fut Gérard Sadois qui devint le second Directeur. J'étais rédacteur en chef perpétuel, ce qui signifie à peu près " Boîte aux lettres ". On ne pensait pas du tout à l'argent, d'ailleurs on n'en avait pas. C'est ce qui fait la grande différence avec les entreprises culturelles d'aujourd'hui, et ce qui est le repère le plus significatif de la déchéance intellectuelle de l'an 2000 et après. On voulait faire de l'agitation culturelle, au fond. Il ne s'agissait donc pas de demander des subventions ! De l'agit'prop' selon la formule de Prévert et du groupe Octobre durant le front populaire. Peu à peu d'autres sont venus, on a été une dizaine assez vite, tous bénévoles bien entendu ! Puis, après 81, on comptait en général entre 15 et 20 rédacteurs réguliers auxquels s'ajoutaient une vingtaine d'occasionnels. Au total près de mille personnes ont du écrire dans le Provisoire entre 1975 et 1993 ! Le Provisoire était un atelier d'écriture libre, et, personnellement je l'ai toujours considéré ainsi. |
|
![]() |
Le
rythme était trouvé, les points de vente aussi, une
quarantaine sur l'agglomération de Châteauroux, une
cinquantaine sur le reste du département. |
L'Evolution du Provisoire et les procès Entre l'année 1975 et l'année 1993, le Provisoire a changé de format, de directeurs, titre uniquement symbolique, d'imprimeurs, de collaborateurs et il a même changé d'orientation.On est surpris de la violence verbale des premiers numéros. On est vraiment dans la provocation de mai 68 ! Je pense en particulier à cette histoire d'O rurale, d'un érotisme agricole très avancé, au récit, jour par jour de la Mort de Franco, aux articles anti-militaristes, aux attaques contre les élus, surtout de droite.(Lectures ?) Puis, il y a eu le procès intenté par le Ministre des Armées lui-même, par le biais du général Trébel, que nous appelions hardiment Trémoche. Ce fut un ministre nommé Bourges (qui n'avait pas fait son service militaire, et qui n'était d'ailleurs pas Berrichon !) qui lança officiellement l'affaire. Je me souviens que la première nous n'étions pas rassurés. Ca se passait comme dans les films, avec une petite dame qui tapait à la machine dans un coin. Il y avait Peyramaure et moi, ce qui était une erreur, car, juridiquement, un seul nom suffit. Maître Thibault permit qu'un seul de nous deux fut condamné, en tant que représentant du mensuel. |
![]() |
![]() |
On était vraiment pris au sérieux, on était reconnus utiles. C'est
pourtant le second procès intenté par l'abbé D.,
traité d'Ayatolla et surtout 22 fois qualifié de
con dans un même numéro, qui nous rendit célèbres
dans le département et même un peu plus loin (Le Journal
Le Matin s'était spécialement déplacé de
Paris ! Radio Luxembourg évoqua l'affaire). Le tribunal
avait estimé également qu'une expression comme : "L'abbé D.,
dont la seule apparition du visage constitue un attentat à la
pudeur" était diffamatoire. Je n'ai jamais compris
pourquoi et je persiste à croire que c'est beaucoup mieux
qu'une expression plus simple comme par exemple "gueule de
cul". |
A
partir de 1981, j'étais persuadé qu'aucun procès ne
serait plus possible. J'ai reçu des dizaines de menaces de procès
en diffamation, mais personne n'allait jusqu'au bout. J'attribue cette situation
au fait que sous François Mitterrand, la France n'était pas procédurière.
D'ailleurs, ce qui me confirme dans cette idée, c'est que tous les ouvrages
mettant en cause Mitterrand lui-même n'ont ommencé à paraître
que lorsque sa maladie s'est aggravée.
Les procès qui suivirent, en 1993, concernent des personnes privées
atteintes déjà de cette manie aujourd'hui si courante
de plaider contre n'importe qui et à propos de n'importe
quoi !
Le Provisoire, en 2002, serait impossible, déjà, pour cette simple
raison : la liberté d'expression se confond complètement
avec le pouvoir de l'argent et la frénésie judiciaire
des Français
aujourd'hui montre une rupture avec cette tradition satirique qui
existait depuis des siècles.
|
Les grandes affaires du Provisoire La
première grande action du Provisoire fut donc dans l'expression
d'un pacifisme, très en vogue d'ailleurs dans les années
70 (Le Larzac, les mouvements écologistes, la presse anti-militariste
ou même les partisans des " comités de soldats "...le
nucléaire). Il y eut dès le début des années
80, une chronique officielle du mouvement " Union Pacifiste ",
sous la signature du Poitevin Râblé, de son vrai nom
Raymond Rageau. Par
contre on peut tirer un bilan du fameux mensuel du Berrichon évolué,
qui vivait sans chefs, sans hiérarchie, et qui a joué un
rôle dans des affaires importantes : |
Fonctionnement du journal C'est
la partie la plus originale, car, sauf la première année
où on était 4 ou 5, le journal n'a jamais réuni
aucun comité de rédaction, d'ailleurs les participants
ne tenaient pas, en général à être connus
des autres. |
![]() |
![]() |
Influence et portée du Provisoire. Elle
est très difficile à mesurer. Mais vers 1990, elle était
grande, puisqu'on invitait les responsables à s'exprimer
dans Télérama, sur France Culture, sur FR3 (j'en
fus le grand témoin, durant une heure et le rédacteur
en chef de FR3 m'a assuré qu'il n'avait pas été félicité pour
cette idée originale. Rolland Hénault |
|